Julien Friedler
Les Disparus
Avec «Les disparus», l’artiste belge Julien Friedler signe sa première exposition personnelle à la Galerie Gourvennec Ogor à Marseille. Confrontant le spectateur à une série de photographies prise ce printemps dans son atelier bruxellois, l’artiste nous emmène aux confins intimes de son œuvre, dans le cercle privé de sa mémoire d’homme et d’artiste. En dévoilant les marques d’un processus créatif ardent, irradiant l’espace de matériaux et de pigments, de corps et de signes; l’artiste nous dévoile son champ de bataille intérieur. Un lieu où les forces s’entrechoquent, où les idées et la matière se travaillent à même les murs, où les souvenirs de l’homme et l’activité de l’artiste se confrontent dans un mouvement violent, dont l’espace porte les stigmates. Il est à remarquer qu’aucune peinture réelle n’apparaît sur les photographies. Seules des traces de leur existence sont visibles, tels les vestiges d’une œuvre dont on ne sait si elle est réellement achevée ou non encore terminée. L’artiste non plus n’apparaît pas, il n’est présent que par sa propre absence.
Ce que les disparus nous donne à voir, c’est la disparition comme phénomène. Disparaître n’est pas mourir. La disparition est le sentiment confus d’une perte sans explications, la sensation d’un effacement incontrôlable de ce qui n’est plus là, mais dont on ressent vigoureusement la présence. Disparaître, c’est sortir du temps. Il est utile de savoir que Julien Friedler est né dans une famille juive en 1950. Il a passé son enfance dans un environnement psychologique et familial bouleversé par l’expérience traumatisante de la Shoah. Il s’est construit dans les séquelles de l’histoire, confronté depuis toujours au poids du vécu, aux cicatrices de la mémoire. On ne s’étonnera pas de trouver dans cette exposition, une référence à ce temps là, symbolisé par une une poupée, marquée d’une étoile jaune, au milieu du visage. Une poupée présentée physiquement dans l’espace d’exposition, que l’on retrouve virtuellement dans les photographies, en train de disparaître.
Le temps est une notion centrale dans la démarche plastique de Julien Friedler. A l’évidence, celui-ci n’est pas traité comme une suite d’événements linéaires, mais pris en compte comme une masse agissante, un matériaux à part entière qui participe pleinement du processus créatif. Pensons aux plate-formes participatives que l’artiste a mis en place dans les années 2000, et dont les protocoles de créations s’étendent sur des dizaines d’années, au delà de sa propre vie. Un temps qui pourrait aussi se révéler foudroyant; l’espace d’un regard qui trébuche; l’instant où le tableau se perd; car la poupée s’éloigne et l’artiste s’efface, pour devenir: «un disparu parmi les autres».
Erno Vroonen
Vernissage
Samedi 1er septembre 2012